- IBUSE (MASUJI)
- IBUSE (MASUJI)IBUSE Masuji 1898-1993Ibuse Masuji est l’un des écrivains représentatifs du Japon contemporain. Sans interruption, il fut un véritable artisan de la littérature pendant plus d’un demi-siècle, du début de l’ère Sh 拏wa jusqu’à nos jours, en maintenant toujours dans ses nouvelles et romans un niveau très élevé de finesse. Il sut décrire avec humour et sympathie la tragi-comédie des gens du peuple qui vécurent une époque difficile avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Sa prose, souvent qualifiée de “plébéienne”, lui valut en 1938 le prix Naoki de littérature populaire, mais sa vraie valeur ne semble pas encore pleinement reconnue. Ibuse est pourtant l’un des rares écrivains japonais à avoir su prendre du recul et se moquer de sa propre misère; il aura toujours préféré sourire à la vie, plutôt que de se laisser envahir par le penchant suicidaire qui hantait tant les hommes de lettres de son époque.Né à Fukuyama, Ibuse commença sa carrière vers 1930 en s’opposant au courant, alors très puissant, de la littérature marxiste. Il voulut libérer la littérature de toute idéologie politique et de tout idéal moral ou esthétique et participa au courant dit de la “littérature du non-sens (nan-sensu bungaku )”, qui manifestait une certaine ironie vis-à-vis de la littérature “grave” de l’époque. Il créa ainsi un monde littéraire correspondant mieux à l’esprit, dépourvu des valeurs traditionnelles et des valeurs modernes, de l’ère Sh 拏wa.De ses débuts à ses derniers jours, il n’a cessé d’élaborer un style apte à transmettre ses sentiments les plus délicats. Ce style plein de lyrisme et d’humour est un mélange complexe de divers modes de langages: il mêle la terminologie snob des intellectuels de la métropole et le patois des paysans, des expressions archaïques et des tournures ultramodernes nées d’une traduction littérale d’expressions occidentales. Cet étrange cocktail linguistique, sorti tout droit de l’atelier d’Ibuse, exprime bien l’esprit “méli-mélo” de son temps.L’œuvre qui fit connaître Ibuse, La Salamandre (Sansh 拏 uo , 1929), est une nouvelle allégorique. L’auteur y décrit avec humour, à travers l’histoire d’une salamandre qui a trop grossi pour pouvoir sortir de sa “cave”, la situation désespérante de l’homme pris à son propre piège. Une crevette, qui fait intrusion dans cette cave, partage le sort de la salamandre. Ce partage du désespoir est un élément nouveau dans la thématique japonaise: le regard tourné vers l’autre distingue Ibuse des autres écrivains de l’époque.Ibuse est également un excellent témoin des changements historiques de son temps. Dans des œuvres telles que “Mes tourments terminologiques lors de la dispute entre Monsieur Tsuchi et Monsieur Kur 拏ji” (Tsut-tsa to Kur 拏ji-tsan wa kenka shite watashi wa y 拏go ni tsuite hanmon suru koto , 1938), “Capitaine dont la mission est d’adorer l’empereur” (Y 拏hai taich 拏 , 1950) ou Hôtel de la gare (Ekimae ryokan , 1957), il présente avec sympathie et discrétion le bouleversement, la détresse, la stupéfaction et la joie des gens du peuple aux prises avec les événements vertigineux de l’ère Sh 拏wa. Il ne perd jamais cette discrétion, même dans Pluie noire (Kuroi ame , 1966), roman qui décrit une famille souffrant des retombées de la bombe atomique d’Hiroshima. Ibuse est, tout comme Tchekhov qu’il adorait dans sa jeunesse, de ceux qui décrivent sans expliciter leur jugement.
Encyclopédie Universelle. 2012.